• /!\ Cet OS contient des spoils || C'est mon premier, soyez indulgents! || Bonne lecture

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    Dans un bruit sec de câbles, je m'élève une fois de plus dans les hauteurs. Cette simple action me paraît cependant, presque impossible à réaliser. Pourtant, au fil des années, elle est tellement devenue mécanique, qu'elle me semble aussi d'une banalité déconcertante.

    Sur le tronc des arbres, je sens encore le sang frais. Les morceaux de lames sont toujours présents sur le sol. Certains morceaux d'étoffe verte aussi.

     

    Une masse sur ma droite attire mon attention. Je m'approche un peu plus. Et remarque en fait deux masses. Deux corps.

     

    Connie

    .N'importe qui l'aurait reconnu, avec sa coupe de cheveux courte comme ça. Il est là, étendu sur le sol, les yeux entrouverts, et son bras droit manquant. Je le devine un peu plus loin, ou dans l'estomac d'un de ces monstres.

    Il a toujours été insouciant. Connie a toujours eu un peu de mal avec les consignes données, mais quoi qu'il en soit, personne ne peut nier que c'était un garçon désagréable. Même moi, il y a des fois où j'appréciait sa compagnie.

     

    Mon regard se porte à présent sur l'autre cadavre un peu plus loin. La personne a eu moins de chance que Connie, vu de loin. À ce que je distingue, il lui manque une bonne partie des jambes, peut-être des bras, aussi. Je sais qu'aujourd'hui, et pas plus qu'avant, le sang ne me choquera.

     

    Sasha.

    Mon estomac se serre en voyant son état. Mais sa couette brune me permet tout de même de l'identifier.

    Nous savions tous combien Sasha aimait manger. À croire qu'elle était née pour se remplir la panse. « la bouffeuse de patates », disaient Connie et Jean. Son amour démesuré pour les patates douces n'égalait pourtant pas son dévouement. Elle a été plusieurs fois ma partenaire lors des entraînements, et jamais je n'ai eu à me plaindre d'elle. Sa bonne humeur nous a toujours aidé, dans des moments difficiles. Et son expérience de la chasse, m'a aussi apprit à me méfier de tout ce qui nous entoure.

     

    Je détourne les yeux de son corps avachi sur une branche, et continue mon escapade. Cette odeur de chair et de sang envahit mes narines. Autour de moi, l’hécatombe continue ; des corps, des corps, toujours et encore des corps. Je crains de voir ce qui ne devrait pas voir lieu.

     

    Pourtant, je ne connais pas d'autre personne qui soit ainsi coiffée.

     

    Ymir.

    Le Titan dansant. Elle est encore à moitié dans son corps de titan, mais ses yeux sont éteints. Ymir a dû abuser de son pouvoir de régénération. J'aimais bien Ymir ; elle était comme moi : elle ne cherchait pas à se faire remarquer. Son bras de monstre semble tendu vers quelque chose. Je tourne mon regard dans cette direction.

    Je viens de trouver un nom au dernier espoir d'humanité.

     

    Christa.

    Ou plutôt, devrais-je penser, Historia Reiss. Mais je n'arrive toujours pas à me faire à son nouveau nom ; son vrai nom. Christa, son corps est là, broyé sous un rocher. Seulement le buste dépasse. Le dernier espoir de l'humanité, pensé-je. La véritable héritière du trône, qui nous aurait permis d'enfin, en finir avec les Titans. Le but principal de cette expédition suicidaire était de la protéger, et de l'emmener dans cette autre ville dont nous avait parlé Hanji. Et bien sûr, on devait, tous, absolument la protéger. Que dire aux autres...Christa-Historia Lenz-Reiss est à présent décédée. Ymir l'a sûrement protégée jusqu'à son dernier souffle. Je n'ai jamais pu discerner la nature de leur relation. De très bonnes amies ? Est-ce qu'Ymir savait pour Christa, ou si elle ne la protégeait que pour une raison qui, aujourd'hui encore, m'échappe ? Des liens familiaux, au quel cas Ymir aurait tout fait pour sauver sa dernière famille ? Je ne sais pas.

     

    L'opération est en train de tourner au vinaigre, et je le sais pertinemment. Malgré tout, même si je sais ce que à quoi je peux m'attendre -à voir surtout-, je veux continuer à avancer dans cette forêt. Mes doigts se crispent autour de la poignée de mes sabres, et le vent me fouette le visage. J'enfouis mon menton sous mon étoffe rouge.

     

    J'ignore encore, à cet instant, pourquoi nous avons tous accepté de participer à cette expédition, que nous savions tous ô combien périlleuse. Et certaines explications m'échappent encore. Comme par exemple...pourquoi Reiner et Bertolt ont finit par se joindre à nous, alors qu'ils avaient pour mission d'exterminer l'humanité ? Pourquoi Annie s'est-elle, par sa propre volonté, libérée de son cristal, et nous a aussi rejoint ? Comment Ymir a-t-elle fait pour nous retrouver, et récupérer un équipement tridimensionnel ? D'où venait cette force qui a permit à Petra de se joindre à cette expédition ? Pourquoi Hannes nous avait parlé de dette à notre égard ? Pourquoi le caporal Livaï avait-il approuvé cette expédition, alors qu'il savait que ça tournerait mal ? Est-ce que la ville dont parlait Hanji existe ?...

    Je crois que je me contenterai, à présent, de laisser mon imagination y répondre.

     

    Entre deux arbres, c'est encore un immense corps de Titan que je vois à l'agonie.

     

    Bertolt.

    Ce grand gars, que beaucoup appréciaient comme camarade, il est tombé ? Lui, le Titan colossal, pour qui nous avons eu tant de rancœur, est mort ? Je veux m'en assurer. J'arrive à me poser sur une branche, un peu plus haute. C'est scène qui frôle l'irréel : le Titan colossal en train de se faire manger par ses congénères. Même si par sa faute, beaucoup sont morts, à commencer par celle qui avait été ma nouvelle mère, même si, il devrait être jugé et exécuté plus d'une fois pour tout ce qu'il a commit, même si il est, aux yeux de tous, l'ennemi numéro un de l'humanité, le voir dévoré ainsi n'a rien de plaisant. Après tout, c'est lui, entre Reiner et Annie, qui a, le premier, décidé de se joindre à notre expédition. Et sûrement celui qui concevait le mieux sa mort. J'ai eu un peu de mal à accepter qu'il n'était pas conscient de ses actes lors de la destruction du mur Maria. Je ne peux pas lui pardonner comme ça, il le sait.

    Ses yeux de titan croisent un instant le miens, et je sais qu'il ne veut pas que je l'aide. Il s'en veut suffisamment, et lui sauver la vie ne le ferait qu'encore plus culpabiliser. Après tout, c'est son choix.

     

    Je reprend donc ma route, en progressant à l'aide de mon équipement tridimensionnel.

    Si Bertolt s'est fait avoir, j'espère au fond de moi, qu'au moins ce sera le dernier de mes camarades que je trouverait ainsi inerte. Malheureusement, je sais que non.

     

    Je me demande encore comment nous avons fait pour croire à cette impossible hypothèse d'Hanji. Celle qu'il y aurait une autre cité, avec elle aussi des murs infranchissables -quelle blague!- et qui protégerait d'autres survivants de l'humanité. Mais, les sources sont presque sûres, et certains événements sont cohérents. On a donc décidé tous ensemble, nous la troupe de rebelles face au gouvernement, de faire notre dernière expédition plus au moins en tant que soldats de notre cité natale. Si jamais certains d'entre nous atteignent l'autre ville, ils seront considérés comme soldats de cette ville-là, alors. Mais, notre plan de faire monter Chris...Historia je veux dire, sur le trône en tant qu'héritière légitime, était plus risqué que celui-ci.

    Nous savons tous combien l'humanité a en réalité été dupée, au point de détester les corps d'armée qui doivent la protéger. Nous les premiers.

    Et j'ignore aussi pourquoi nous avons tous approuvé, alors que nous savions tous que très peu survivraient. Poussés à bout ? Pour certains d'entre nous, ça m'étonnerait un peu. Mais il est vrai que, dans mon cas par exemple, je préfère mourir en essayant de trouver plus de liberté plutôt qu'être exécutée comme un traître à la patrie. Ce sont les faibles qui se font exécuter. Et les faibles sont ceux qui ne se battent pas pour leur survie.

     

    Un cri déchire le presque silence de la forêt. Sans vraiment réfléchir, je fonce là-bas. De longues traînées de gaz s'échappent derrière moi. Brusquement, je marque un arrêt. Ici aussi, le spectacle est terrifiant. C'est trois autres de mes compagnons d'armes que je retrouve. Un seul est encore en vie. Mais son cri est si perçant que je n'arrive pas à bouger un seul de mes membres.

     

    Zoé.

    Elle est à moitié dans la gueule d'un titan, et hurle de toutes ses forces pour tenter d'en sortir.

    La pauvre. Elle a toujours été fascinée par les titans, et elle va mourir avalée. Les risques du métier. Même si j'ai toujours pensé qu'elle était folle, c'est quelque part le cerveau « sensé » de ce groupe. Non seulement en matière de stratégie, mais surtout en ce qui relevait de la science. Et puis, si elle poussait son comportement de passion pour les titans à l'extrême, c'est parce qu'en définitif, elle était plus à l'aise. Certes, on l'a toujours vue comme une folle à lier, mais dans le fond, ce devait être celle qui avait le plus conscience des choses. Même si moi, au départ je ne l'aimais pas beaucoup ; ses expériences sur Eren étaient tout de même douteuses.

    Les cris de Zoé viennent de cesser. Je relève la tête, et ai juste le temps de voir un bras tomber mollement sur le sol, depuis la bouche gigantesque du monstre. Zoé n'est plus.

     

    Mon regard balaie le sol ; pour s'arrêter sur deux cadavres bien distincts. Je me fige à leur vue. Le titan, quand à lui, s'enfuit plus loin. Je sais que c'est dangereux, mais je sens la nécessité de descendre au sol. Je dessers les câbles de mon équipement et me laisse tomber au sol. Puis je marche vers le premier cadavre, à moitié déchiqueté, près d'un buisson épineux.

     

    Armin.

    Il est tourné sur le côté droit, et bien défiguré, mais je réussi encore à l'identifier. Mon pauvre Armin...toi aussi... Je laisse échapper quelques larmes. Armin était lui aussi quelqu'un qui avait les pieds sur terre, et qui avait un esprit d'analyse hors du commun. Je me demande encore ce qui lui a prit de s'engager dans le bataillon d'exploration !... Lui-même il ne pensait pas revenir vivant de sa première sortie hors des murs au sein du bataillon. Et pourtant...malgré sa corpulence frêle, il a réussi à tenir jusqu'à là.

    Déjà quand nous étions petits, je ne l'imaginait pas s'engager dans l'armée. C'était à Eren et moi de le protéger. Après tout, pour nous, c'était notre petit frère, un peu. D'autres larmes coulent sur mes joues. Il aurait très bien pu intégrer les brigades spéciales, aussi. Mais je sais qu'il avait envie de découvrir l'au-delà de ces murs. C'est lui qui nous a donné envie de découvrir le monde extérieur, nous lui devons ça, Eren et moi. Après qu'on soit revenu de l'expédition où nous avions affronté le titan femelle, je l'ai trouvé...différent. Armin avait l'air encore plus conscient du danger que représentait le monde extérieur. Notre petit blondinet avait grandi. Il nous avait aussi apporté beaucoup, en nous aidant à planifier cette expédition-ci. Je m'étais demandé sur le coup s'il était réellement conscient de se reposer uniquement sur une hypothèse, aussi plausible fût-elle. Oui, il en était conscient.

    L'abandonner maintenant est la seule solution, pourtant, ça me fait tant de peine...je suis presque tentée d'emmener son corps et d'essayer de l'enterrer plus ou moins. Mais je n'aurais jamais la force de l'enterrer seule. Alors au lieu de ça, je passe affectueusement ma main dans ses cheveux blonds, tachés de rouge -sûrement à cause de son combat-. Je me redresse, et après un dernier regard triste pour mon amis d'enfance, me dirige vers l'autre corps.

     

    Il est avachit sur une branche, les jambes lui manquant. Je me remet en manœuvre tridimensionnelle pour arriver à sa hauteur.

     

    Jean.

    Je suis presque surprise de le savoir mort ici. Vu qu'il lui manque ses jambes, je suppose qu'un des titan les lui a arrachés, et qu'il est mort des suites d'une profonde hémorragie. Je me rappelle qu'au début, ce mec était un parfait salaud arrogant. Cherchant toujours des noises à tout le monde, à Eren aussi. Et puis, au fil du temps, il a tissé une amitié avec Armin. Ça a commencé quand il a rejoint le bataillon d'exploration. Ça nous avait tous surprit, puisque sont but ultime était d'intégrer les brigades spéciales ; avoir une vie tranquille. Et puis...je ne peux pas dire que je me fiche de sa mort. D'abord parce que comme tous les autres, il était un de mes camarades, et que je ne peux pas me permettre de cracher sur leur mort. Aussi parce que...je savais que je l'intéressait. Je m'en suis toujours fichu, parce que les garçons n'étaient pas mon principal intérêt. Mais comme tout glaçon, je peux finir par fondre. Je savais qu'il me tournait autour, jalousant Eren qui était si proche de moi. Et puis au fil du temps, même si ce n'était pas la franche amitié, j'ai pu commencer à l'apprécier. Je sais qu'il a souffert de l'indifférence dont j'ai fais preuve à son égard. Sauf peut-être ce jour, où il m'a sauvée lors d'une autre expédition. C'était dans l'enceinte des murs, un peu avant que nous nous décidions de planifier cette expédition. Je m'était retrouvée, par mégarde, à court de gaz. Alors que j'était encore en l'air, mes câbles avaient cédé, et je suis tombée, à droit sur un titan qui m'attendait, bouche ouverte. Je ne sais par quel réflexe, mais Jean avait réussit à me rattraper avant que je ne tombe dans la cavité du monstre. Une fois qu'il nous avait posé sur un toit, je l'avais regardé, en le remerciant de tout mon être. Et avant que j'ai pu dire quoi que ce soit, il m'avait prise dans ses bras en soufflant « tu m'a fait peur, idiote... ». Sur le moment, je n'avais pas cherché à comprendre s'il avait fait ça parce qu'il tenait à moi pour une quelconque raison ou si c'était par réflexe ; il m'avait sauvé la vie, c'est tout. Je lui suis redevable, mais malheureusement, je n'ai pas pu m’acquitter. Avec ça, je ne peux pas dire que sa mort ne me touche pas. Je dirige ma main vers ses paupières, et les ferme doucement. Puis, je dépose un baiser sur sa joue, si froide maintenant.

     

    -Merci Jean, lui souffle-je.

     

    D'un revers de la main, j'essuie les larmes qui ont coulé sur mes joues. Étaient-elles seulement pour Armin ? Je ne pense pas...

     

    Je laisse Armin, Jean et Zoé reposer en paix, et continue ma route, dans les airs. Le vent me pique les yeux. Les arbres gigantesques de cette forêt me paraissent maintenant si éloignés les uns des autres que je manque plusieurs fois de les louper en essayant d'y accrocher mes grappins. Je frissonne soudain. Mon visage se tourna sur ma gauche, où certains arbres ont été arraché. Il ne m'en faut pas plus pour deviner qui se trouve dans cette direction.

     

    Reiner.

    Je n'arrive presque pas à le reconnaître. Seulement son corps de titan gisant au loin me permet d'affirmer qu'il s'agit de lui. Son corps d'origine est décapité, et presque complètement déchiqueté par d'autres créatures. À lui aussi, je lui en ai beaucoup voulu. C'est de sa faute si le territoire du mur Maria a été totalement envahit. Malgré tout cette rancune, je n'avais rien contre lui ; camarade attentionné et exemplaire, il avait sauvé la vie de Armin et de Christa, et je lui en suis reconnaissante. Jamais auparavant, je n'aurais pensé qu'il pourrait être une de ces créatures. Je me souviens aussi lui avoir littéralement coupé le bras, lorsque l'on avait apprit, Eren et moi, sa véritable personnalité. Cette rancune ne l'a pas quitté. Mais même avec ça, je ne peux pas dire qu'il a voulu tout ce qu'il a fait. Voir un de ses amis dévoré par un titan, qui par la suite s'avère être un camarade d'armes, puis agir de façon monstrueuse, et apparemment contre sa volonté...je ne sais pas si au final, il était quelqu'un de bien ou de mal.

     

    Plus sur la droite, là où je m'attend à voir quelqu'un d'autre, je trouve à la place un énorme cristal.

     

    Annie.

    Elle s'est à nouveau enfermée dans une glace indestructible. Cette fille a toujours été un grand mystère, et pour tout le monde. Combattante redoutable, surtout au corps à corps, nous le savions. Mais ses objectifs me sont toujours resté flous. Tout d'abord, elle a intégré les brigades spéciales. Fort bien. Lors de l'attaque du titan femelle, j'était persuadée que c'était elle. Mais...j'ignorais pourquoi. Pourquoi elle cherchait tant à enlever Eren, au risque de se faire démasquer. Bien sûr, cette fille n'était pas idiote. Lorsqu'Armin lui a demandé de l'aide, je reste persuadée qu'elle savait qu'elle se jetait dans un piège. Et malgré son combat acharné, elle est tombée. Je l'ai poussée alors qu'elle cherchait à s'enfuir. Je me souviens encore de son expression, lorsque je lui ai dit « Annie...tombe » : elle avait l'air à la fois surprise, mais aussi comme désespérée. Peut-être d'être attrapée comme ça, aussi simplement ? Annie est quelqu'un d'indépendant, être capturée n'a pas dû lui plaire. Et à la place, au lieu de s'avouer vaincue, elle a préféré se geler entièrement afin qu'on ne lui soutire aucune information. Ça ne m'étonnait pas d'elle. Finalement, on se ressemblait assez, elle et moi. Quand Reiner et Bertolt ont bien voulu se joindre à nous, j'ignore comment, mais Annie s'est libérée de sa glace. J'ai cru comprendre qu'elle l'avait fait par sa propre volonté. Je me rappelle aussi qu'elle avait tenu à ce qu'elle garde sa bague coupante. Celle qui lui avait permi de se transformer en titan, avant son combat contre Eren. Ce titan féminin avait une importance capitale pour cette expédition ; non sans déplaire à quelques-uns.

    Dans son cristal, je vois qu'elle a fermé les yeux. Elle nous a confié, une fois libérée, que durant son précédent enfermement, elle entendait et voyait tout ce qui se passait. Je pense qu'elle ne compte pas sortir de là de si tôt. Mais quelque chose brille à l'intérieur. En m'approchant, je remarque qu'il s'agit d'une larme qui est restée figée sur sa joue. Je comprend mieux son acte, à présent. Elle n'a pas voulu continuer, parce qu'elle a dû voir la mort de Reiner. Même si Annie n'était pas quelqu'un d'émotionellement très expressif, je savais qu'elle tenait énormément à Reiner. Elle m'avait même confié que c'était lui qui lui avait offert sa bague coupante. Je pense qu'ils étaient de mèche depuis le début. Entre filles pas très causantes, elle a quand même finit par me l'avouer. Reiner aussi tenait à elle. Parce qu'il s'en est beaucoup inquiété lorsqu'elle était gelée. Si elle a fait le choix de s'envelopper encore une fois dans la glace, c'est parce qu'elle avait une bonne raison. Annie ne fait rien inutilement, je le sais. Mon seul regret pour ces deux-là, tout titans qu'ils soient, est que Reiner n'ai sûrement pas pu protéger Annie, comme il le voulait, et que Annie fasse le choix de s'enfermer à jamais suite à sa mort.

     

    Je ne veux pas m'attarder plus que ça. D'autres titans affluent déjà, je décide de prendre la poudre d'escampette. Dans ma tête, je compte combien de mes camarades j'ai retrouvé morts. J'espère que ceux qui restent sont encore parmi nous.

     

    Quel calme tout à coup !... Le bruit des pas lourds des titans s'est tu. Je débouche maintenant dans une clairière, où seul un rayon de soleil éclaire, grâce à un trou dans les arbres. Et franchement, j'aurais pour une fois aimé que ce ne soit pas éclairé. Un violent contraste s'offre à moi.

    Tout d'abord, la beauté du lieu ; une jolie clairière qui semble épargnée par les titans. Des fleurs en couvrent même le parterre. Et sur le sol, éclairé par les rayons du soleil, un cadavre.

     

    Petra.

    L'état de son corps me surprend. Il est presque intact. Elle est étendue dans la clairière, au milieu des fleurs. À la voir comme ça, de loin, on pourrait presque croire qu'elle est seulement endormie, et bien loin de toutes les monstruosités qu'offre la vie. Mais le trou béant en plein milieu de son ventre est preuve d'un mort qui, j'imagine, a dû être douloureuse. Elle qui a déjà survécu une fois, frôlant la mort de près, j'aurais au moins espéré pour elle qu'elle meure sans trop de souffrances. La dernière fois, lors de l'expédition où nous avions affronté le titan femelle, la totalité de son équipe avait trouvé la mort. Et nous avions bien cru que elle aussi. Seulement, le caporal Livaï était retourné sur le lieu du désastre, après que l'on ait récupéré Eren ; et était revenu avec une Petra presque morte dans les bras. Malheureusement, pour les autres membres de son escouade, il n'y avait plus rien à faire pour eux, si ce n'est une sépulture digne de ce nom. Petra avait dû être hospitalisée en urgence. Sa colonne vertébrale était toute tordue, et plusieurs nerfs étaient gravement endommagés. Elle était entre le blanc de la vie et le noir de la mort, et personne, à commencer peut-être par elle-même, ne savait si elle serait toujours vivante l'heure suivante. Sa guérison avait été douloureuse et risquée, sa rééducation avait été longue et un véritable enfer. Le caporal Levi avait été inquiet pour elle, ça se sentait. Bien qu'il affirmâ que son inquiétude était fondée sur le fait qu'il s'agissait du dernier membre de son escouade, nous savions tous que c'était plus qu'un simple sentiment amical entre caporal et subordonnée. Hanji avait alors dit qu'au vu de ses blessures, elle pourrait rester paralysée à vie, aveugle ou encore pire, ne pas supporter la rééducation et y mourir. Quand, presque par miracle, elle avait réussi à s'en remettre, nous avons tous voulu l'emmener avec nous. Si elle était restée là-bas, elle se serait faite arrêtée pour complot, puisqu'elle faisait partie de l'escouade de Livaï. Ces deux-là, ce n'était plus un secret pour personne. Quoique, tout le monde fermait les yeux dessus, nous connaissions tous la discrétion du caporal et la timidité de Petra.

    Je reporte mon attention sur son corps. Je dois l'avouer, j'ai souvent trouvé cette femme belle. Elle était simple, gentille, et jolie. Là, allongée dans les fleurs, on pourrait la prendre pour un ange. Ses cheveux ocres sont éparpillés autour d'elle, et malheureusement tachés de sang. Petra aimait le caporal Livaï, nous le savions. Mais la grande faucheuse n'a pas dû apprécier que Petra la nargue de cette façon, en lui échappant une première fois, et en ayant quelques moments de bonheur. Avec Levi.

     

    Je détourne le regard. Petra est tellement un symbole de paix, à cet instant, que si elle restait tel quel, même le plus horrible des titans serait attendri. Un peu plus loin, un autre cadavre est sur le sol. Mon étonnement est sans limite, à cet instant.

     

    Livaï.

    Je ne peux pas croire que c'est à lui qu'appartient ce corps sans vie, non loin de Petra. Je ne peux me persuader que c'est lui, dont le visage et le torse sont à moitié déchiquetés, et dont la jambe droite est pliée dans un angle improbable, et dangereux. Je descend encore une fois, mais je m'arrête avant le sol. Comme si je ne voulais pas violer ce tableau. Le corps du caporal est tourné en direction de Petra, et son unique bras gauche est tendu vers le corps de la jeune fille. Comme elle, il est blessé à l'estomac, mais à l'instar de Petra, c'est juste une plaie béante ; elle, c'est carrément un trou qui lui transperce le corps. Les yeux de Levi sont voilés, et injectés de sang. Il a dû combattre de toutes ses forces avant de mourir. De plus, aperçoit un filet de sang qui dégouline de ses lèvres entrouvertes, à travers lesquelles je devine un cri mort-né ; sûrement destiné à Petra. J'imagine, qu'en plus de ses profondes blessures et ses hémorragies, il a dû trépaner aussi par l'obstruction des voies orales par son sang. Le scénario me paraît simple : Petra et lui ont combattu ensemble, une dernière fois, et puis Petra a reçu un si violent choc dans le ventre que celui-ci s'est totalement ouvert. Elle est ensuite tombée dans les fleurs, en murmurant sûrement le prénom de Levi. Le caporal, fou de rage et de tristesse face à sa mort, a dû combattre les autres titans, et aussi pour les empêcher de salir une nouvelle fois le corps de Petra. Ce combat lui aurait coûté la vie. Mais avant de mourir, il serait au moins mort en la protégeant.

    Le caporal Livaï...il a toujours été un personnage étrange. Je me souviens, encore, qu'Eren et moi l'adulions quand nous étions enfants. Après, il nous avait sauvé, Eren, Armin et moi, lors de l'attaque de Trost. Mais cet homme s'est avéré être diabolique. Surtout lors du procès d'Eren, où je m'étais promis de lui faire la peau. Dès ce jour, j'ai éprouvé un mépris sans nom pour cet homme, aussi charismatique soit-il. Et encore une fois, je lui ai dû une vie, et un mépris inconcevable. Lors de l'attaque du titan femelle, où il m'avait sauvé, ainsi qu'Eren, mais où aussi il m'avait empêché d'accomplir ma vengeance. Après tout ça, je me suis rendu compte que je ne pourrais jamais m'abaisser à être sous ses ordres, mais quelque chose m'empêchait aussi de lui envoyer mon poing dans la figure pour ce qu'il avait fait. J'ai découvert ensuite, et surtout grâce à Petra, que c'était au fond quelqu'un d'attentionné et de doux. Et aussi, il y eu ce jour, où, je ne saurais dire si j'étais dégoûtée ou surprise, où nous avions découvert que nous portions tous deux le nom Ackerman. Notre lien familial m'est toujours inconnu. Oncle ? Frère ? Cousin ? J'ignore encore.

    Je les regarde encore une fois tous les deux. Je pense qu'ils ont au moins ce qu'ils ont voulu : ils se sont éteint tous les deux, ensemble, avec pour dernière pensée, celle de l'autre, et comme dernière parole, le nom de l'autre.

     

    Je ne veux en aucun cas briser cette vision, à la fois horrible et magique. J'espère au moins que là où ils sont, ils seront heureux...et ensemble.

     

    Je m'éloigne en vitesse de la clairière. Je sens que je commence à fatiguer, et mes réserves de gaz à s'épuiser. Une odeur de chair brûlée me vient, poussée par le vent de l'est. Je tourne dans cette direction. Un cri étouffé reste coincé dans ma gorge. Le peu qui me reste de gaz me sert à accélérer le plus possible pour couper net la nuque d'un titan. La créature tombe, mais je m'en fiche. Dans un bruit sourd de câble, me voilà à terre. Je rengaine mes lames, et me précipite vers la source de tout la fumée qui recouvre cet endroit.

     

    Eren.

    Je ne peux pas croire que lui aussi. Et j'ai l'horrible impression de retourner au début de notre aventure, lorsqu'il s'est transformé pour la première fois. Car c'est exactement la même scène. Il vient juste de se retirer de son enveloppe de titan, mais a l'air complètement anéanti. J'escalade ce corps gigantesque, qui est en train de se décomposer, et, comme la dernière fois, rattrape Eren avant qu'il ne tombe. Je reste stoïque quelques instants. Son corps me paraît lourd, et anormalement froid. Je crains le pire. Alors que les larmes me montent aux yeux, je déplace mon oreille contre sa poitrine. Rien. Pas un seul battement. Seulement un grand silence inquiétant. Je relève la tête vers son visage ; il est sans expression, livide. Je le presse de toutes mes forces contre moi, et me remet à pleurer.

    Je ne peux pas croire que Eren soit mort. Lui qui m'a sauvée, enfant. Je lui avait déjà dit : j'étais morte, il m'a rendu vivante. Ensuite, il m'a accepté comme sa demi-sœur, et je m'étais auto-proclamée son ange gardien. Je savais que, souvent, cela lui pesait, parce qu'il voulait être indépendant. Il ne voulait pas se reposer sur moi, parce que c'était l'époque où il voulait faire ses preuves. Le savoir titan a été un grand choc. La première fois, j'ai eu tellement peur de le perdre, et à Trost, il a faillit me tuer. Contre le titan femelle aussi, je me souviens de mon désarroi quand je l'avais vu se faire avaler par l'immonde créature. Je me souviens de la rage immense que j'avais éprouvé pour Annie, au point de vouloir la trucider plus que raison. En vérité, j'ai tout le temps eu peur pour sa vie. Après la mort de sa mère, il était ma dernière famille, jamais je n'aurais accepté sa mort. Et puis, au fil du temps, nous avions grandi et mûri. Et nous nous sommes rendu compte de l'affection l'un pour l'autre. Jamais nous ne nous sommes considérés comme des frères et sœurs, et je ne me suis rendu de ça que très tard... Je me suis rendu compte qu'un lien très fort nous unissait. Sasha et Petra étaient persuadées que je ressentais ce genre de sentiment qui s'appelle l'amour. Et oui, un peu après, je me suis rendu compte que c'était cela.

    Des larmes humidifient mon écharpe rouge, à présent. Cette écharpe, un peu mon symbole, encore quelque chose que je lui doit. J'avais froid, son écharpe m'a réchauffée.

    C'était un peu avant cette expédition, que j'ai réellement prit conscience de mes sentiments pour lui. Mais c'est lui qui s'est lancé le premier. Un soir, c'était parce que j'ai prit l'air cinq minutes que ça a basculé. Il m'a juste prit la main et embrassée furtivement. Il était gêné après. Peut-être parce qu'il pensait que je le voyait en frère et pas autrement. Sauf que je ne voulais pas qu'il parte comme ça. À mon tour, j'ai posé mes lèvres sur les siennes. Et on pouvait commencer à parler de « nous deux ».

    Seulement, je savais que ce « nous deux », n'aillait pas durer, avec cette expédition imminente. Même si je priait intérieurement pour qu'au moins, même blessé, il s'en sorte, je savais combien il était en danger. Eren ne maîtrisait pas assez sa forme de titan, et je pense qu'il est mort lui aussi, en abusant de sa régénération.

    Poussée à bout, je crie son nom. Je n'en peux tout simplement plus. Après les avoir tous vu morts, je ne peux plus résister, face à la mort d'Eren. Face à son corps froid et inanimé que je tiens dans mes bras tremblants. Je sais que c'est futile, mais je ne veux pas le lâcher. Je veux encore le sentir contre moi, une dernière fois.

     

    Un bruit résonne. Sans bouger d'un pouce je relève juste les yeux par dessus l'épaule d'Eren, pour voir au loin, un titan approcher dans ma direction. Je ne réagit pas. Mais la voix d'Eren résonne dans ma tête. Quand il m'a dit de me battre. Je me cramponne une dernière fois à lui, avant de poser son corps sur le sol. J'effleure doucement ses lèvres avec les miennes, sans cesser de pleurer. Puis je me relève.

     

    Le vent fait voler mes cheveux. Ils sont tous morts.

     

    Connie.

    Sasha.

    Ymir.

    Christa.

    Bertolt.

    Zoé.

    Armin.

    Jean.

    Reiner.

    Annie.

    Petra.

    Livaï.

    Eren.

     

    Tous ceux qui formèrent autrefois la 104 ème brigade d'entraînement. Tous ceux qui ont été mes camarades.

     

    D'un geste qui se veut déterminé, je brandis devant mois mes sabres pour vaincre une dernière fois un titan, avant de les rejoindre.

     

    Je suis Mikasa Ackerman. Et je suis la dernière plume des ailes de la Liberté.

     

    One-Shoot: La dernière plume des ailes de la Liberté

     

    Petit Blabla inutile de l'Auteur: Merci à vous d'avoir lu. Vos avis sont bien évidemment les bienvenus. Retrouvez cet OS ici, et bonne continuation à tous!

     


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